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LES ROUGON-MACQUART.

fidélité de Sara. Dites-vous qu’une vie pure mène à tous les biens. Demandez à Dieu chaque matin la force de vivre en femme qui respecte ses devoirs ; car la punition serait terrible, vous perdriez votre amour. Oh ! vivre sans amour, arracher la chair de sa chair, n’être plus à celui qui est la moitié de vous-même, agoniser loin de ce qu’on a aimé ! Vous tendriez les bras, et il se détournerait de vous. Vous chercheriez vos joies, et vous ne trouveriez que de la honte au fond de votre cœur. Entendez-moi, ma fille, c’est en vous, dans la soumission, dans la pureté, dans l’amour, que Dieu a mis la force de votre union.

À ce moment, il y eut un rire, à l’autre bout de l’église. L’enfant venait de se réveiller sur la chaise où l’avait couché la Teuse. Mais il n’était plus méchant ; il riait tout seul, ayant enfoncé son maillot, laissant passer des petits pieds roses qu’il agitait en l’air. Et c’étaient ses petits pieds qui le faisaient rire.

Rosalie, que l’allocution du prêtre ennuyait, tourna vivement la tête, souriant à l’enfant. Mais quand elle le vit gigotant sur la chaise, elle eut peur ; elle jeta un regard terrible à Catherine.

— Va, tu peux me regarder, murmura celle-ci. Je ne le reprends pas… Pour qu’il crie encore !

Et elle alla, sous la tribune, guetter un trou de fourmis, dans l’encoignure cassée d’une dalle.

— Monsieur Caffin n’en racontait pas tant, dit la Rousse. Lorsqu’il a marié la belle Miette, il ne lui a donné que deux tapes sur la joue, en lui disant d’être sage.

— Mon cher frère, reprit l’abbé Mouret, à demi-tourné vers le grand Fortuné, c’est Dieu qui vous accorde aujourd’hui une compagne ; car il n’a pas voulu que l’homme vécût solitaire. Mais, s’il a décidé qu’elle serait votre servante, il exige de vous que vous soyez un maître plein de douceur et d’affection. Vous l’aimerez, parce qu’elle est