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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

— Non, non, il recommencerait ses farces. Je le lâcherai, lorsque je m’en irai… Je vous disais donc, curé, quand ce gredin s’est jeté entre nous, que vous seriez le bien venu là-bas. La petite est maîtresse, vous savez. Je ne la contrarie pas plus que mes salades. Tout ça pousse… Il n’y a que des imbéciles comme ce calotin-là pour voir le mal… Où as-tu vu le mal, coquin ! C’est toi qui as inventé le mal, brute !

Il secouait le Frère de nouveau.

— Laissez-le se relever, supplia l’abbé Mouret.

— Tout à l’heure… La petite n’est pas à son aise depuis quelque temps. Je ne m’apercevais de rien. Mais elle me l’a dit. Alors je vais prévenir votre oncle Pascal, à Plassans. La nuit, on est tranquille, on ne rencontre personne… Oui, oui, la petite ne se porte pas bien.

Le prêtre ne trouva pas une parole. Il chancelait, la tête basse.

— Elle était si contente de vous soigner ! continua le vieux. En fumant ma pipe, je l’entendais rire. Ça me suffisait. Les filles, c’est comme les aubépines : quand elles font des fleurs, elles font tout ce qu’elles peuvent… Enfin, vous viendrez, si le cœur vous en dit. Peut-être que ça amuserait la petite… Bonsoir, curé.

Il s’était relevé avec lenteur, serrant les poings du Frère, se méfiant d’un mauvais coup. Et il s’éloigna, sans tourner la tête, en reprenant son pas dur et allongé. Le Frère, en silence, rampa jusqu’au tas de cailloux. Il attendit que le vieux fût à quelque distance. Puis, à deux mains, il recommença, furieusement. Mais les pierres roulaient dans la poussière de la route. Jeanbernat, ne daignant plus se fâcher, s’en allait, droit comme un arbre, au fond de la nuit sereine.

— Le maudit ! Satan le pousse ! balbutia le Frère Archangias, en faisant ronfler une dernière pierre. Un vieux qu’une chi-