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LES ROUGON-MACQUART.

jeunesses sont allées ensemble. Ce n’est la faute de personne. Il y en a d’autres qui ont fait comme eux et qui n’en ont pas moins bien vécu pour cela… L’affaire ne dépend pas de nous. Il faut parler à Bambousse. C’est lui qui nous méprise, à cause de son argent.

— Oui, nous sommes trop pauvres, gémit la mère Brichet, une grande femme pleurnicheuse, qui se leva à son tour. Nous n’avons que ce bout de champ, où le diable fait grêler les cailloux, bien sûr. Il ne nous donne pas du pain… Sans vous, monsieur le curé, la vie ne serait pas possible.

La mère Brichet était la seule dévote du village. Quand elle avait communié, elle rôdait autour de la cure, sachant que la Teuse lui gardait toujours une paire de pains de la dernière cuisson. Parfois même, elle emportait un lapin ou une poule, que lui donnait Désirée.

— Ce sont de continuels scandales, reprit le prêtre. Il faut que ce mariage ait lieu au plus tôt.

— Mais tout de suite, quand les autres voudront, dit la vieille femme, très-inquiète sur les cadeaux qu’elle recevait. N’est-ce pas ? Brichet, ce n’est pas nous qui serons assez mauvais chrétiens pour contrarier monsieur le curé.

Fortuné ricanait.

— Moi, je suis tout prêt, déclara-t-il, et la Rosalie aussi… Je l’ai vue hier, derrière le moulin. Nous ne sommes pas fâchés, au contraire. Nous sommes restés ensemble, à rire…

L’abbé Mouret l’interrompit :

— C’est bien. Je vais parler à Bambousse. Il est là, aux Olivettes, je crois.

Le prêtre s’éloignait, lorsque la mère Brichet lui demanda ce qu’était devenu son cadet Vincent, parti depuis le matin pour aller servir la messe. C’était un galopin qui avait bien besoin des conseils de monsieur le curé. Et elle accom-