Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

pagna le prêtre pendant une centaine de pas, se plaignant de sa misère, des pommes de terre qui manquaient, du froid qui avait gelé les oliviers, des chaleurs qui menaçaient de brûler les maigres récoltes. Elle le quitta, en lui affirmant que son fils Fortuné récitait ses prières, matin et soir.

Voriau, maintenant, devançait l’abbé Mouret. Brusquement, à un tournant de la route, il se lança dans les terres. L’abbé dut prendre un petit sentier qui montait sur un coteau. Il était aux Olivettes, le quartier le plus fertile du pays, où le maire de la commune, Artaud, dit Bambousse, possédait plusieurs champs de blé, des oliviers et des vignes. Cependant, le chien s’était jeté dans les jupes d’une grande fille brune, qui eut un beau rire, en apercevant le prêtre.

— Est-ce que votre père est là, Rosalie ? lui demanda ce dernier.

— Là, tout contre, dit-elle, étendant la main, sans cesser de sourire.

Puis, quittant le coin du champ qu’elle sarclait, elle marcha devant lui. Sa grossesse, peu avancée, s’indiquait seulement dans un léger renflement des hanches. Elle avait le dandinement puissant des fortes travailleuses, nu-tête au soleil, la nuque roussie, avec des cheveux noirs plantés comme des crins. Ses mains, verdies, sentaient les herbes qu’elle arrachait.

— Père, cria-t-elle, voici monsieur le curé qui vous demande.

Et elle ne s’en retourna pas, effrontée, gardant son rire sournois de bête impudique. Bambousse, gras, suant, la face ronde, lâcha sa besogne pour venir gaiement à la rencontre de l’abbé.

— Je jurerais que vous voulez me parler des réparations de l’église, dit-il, en tapant ses mains pleines de terre. Eh bien ! non, monsieur le curé, ce n’est pas possible. La