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LES ROUGON-MACQUART

commune n’a pas le sou… Si le bon Dieu fournit le plâtre et les tuiles, nous fournirons les maçons.

Cette plaisanterie de paysan incrédule le fit éclater d’un rire énorme. Il se frappa sur les cuisses, toussa, faillit étrangler.

— Ce n’est pas pour l’église que je suis venu, répondit l’abbé Mouret. Je voulais vous parler de votre fille Rosalie…

— Rosalie ? qu’est-ce qu’elle vous a donc fait ? demanda Bambousse, en clignant les yeux.

La paysanne regardait le jeune prêtre avec hardiesse, allant de ses mains blanches à son cou de fille, jouissant, cherchant à le faire devenir tout rose. Mais lui, crûment, la face paisible, comme parlant d’une chose qu’il ne sentait point :

— Vous savez ce que je veux dire, père Bambousse. Elle est grosse. Il faut la marier.

— Ah ! c’est pour ça, murmura le vieux, de son air goguenard. Merci de la commission, monsieur le curé. Ce sont les Brichet qui vous envoient, n’est-ce pas ? La mère Brichet va à la messe, et vous lui donnez un coup de main pour caser son fils ; ça se comprend… Mais moi, je n’entre pas là dedans. L’affaire ne me va pas. Voilà tout.

Le prêtre, surpris, lui expliqua qu’il fallait couper court au scandale, qu’il devait pardonner à Fortuné, puisque celui-ci voulait bien réparer sa faute, enfin que l’honneur de sa fille exigeait un prompt mariage.

— Ta, ta, ta, reprit Bambousse en branlant la tête, que de paroles ! Je garde ma fille, entendez-vous. Tout ça ne me regarde pas… Un gueux, ce Fortuné. Pas deux liards. Ce serait commode, si, pour épouser une jeune fille, il suffisait d’aller avec elle. Dame ! entre jeunesses, on verrait des noces matin et soir… Dieu merci ! je ne suis pas en peine de Rosalie ; on sait ce qui lui est arrivé ; ça ne la