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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

Il ne l’écoutait pas, il dit brusquement, en poussant un léger cri :

— Ah ! je me souviens !

Et, quand elle l’interrogea, il ne voulut pas répondre. Il venait de se rappeler la sensation de la chapelle du séminaire sur ses épaules. C’était là cette robe glacée qui lui faisait un corps de pierre. Alors, il fut repris invinciblement par son passé de prêtre. Les vagues souvenirs qui s’étaient éveillés en lui, le long de la route, des Artaud au Paradou, s’accentuèrent, s’imposèrent avec une souveraine autorité. Pendant qu’Albine continuait à lui parler de la vie heureuse qu’ils mèneraient ensemble, il entendait des coups de clochette sonnant l’élévation, il voyait des ostensoirs traçant des croix de feu au-dessus de grandes foules agenouillées.

— Eh bien ! dit-elle, pour toi, je remettrai mes jupes brodées… Je veux que tu sois gai. Nous chercherons ce qui pourra te distraire. Tu m’aimeras davantage peut-être, lorsque tu me verras belle, mise comme les dames. Je n’aurai plus mon peigne enfoncé de travers, avec des cheveux dans le cou. Je ne retrousserai plus mes manches jusqu’aux coudes. J’agraferai ma robe pour ne plus montrer mes épaules. Et je sais encore saluer, je sais marcher posément, avec de petits balancements de menton. Va, je serai une jolie femme à ton bras, dans les rues.

— Es-tu entrée dans les églises, parfois, quand tu étais petite ? lui demanda-t-il, à demi-voix, comme s’il eût continué tout haut malgré lui, la rêverie qui l’empêchait de l’entendre. Moi, je ne pouvais passer devant une église sans y entrer. Dès que la porte retombait silencieusement derrière moi, il me semblait que j’étais dans le paradis lui-même, avec des voix d’ange qui me contaient à l’oreille des histoires de douceur, avec l’haleine des saints et des saintes dont je sentais la caresse par tout mon