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LES ROUGON-MACQUART.

pule, le cordon, l’aube et l’amict. Mais elle continuait à bavarder, tout en s’appliquant à mettre le manipule en croix sur l’étole, et à disposer le cordon en guirlande, de façon à tracer l’initiale révérée du saint nom de Marie.

— Il ne vaut plus grand’chose, ce cordon, murmurait-elle. Il faudra vous décider à en acheter un autre, monsieur le curé… Ce n’est pas l’embarras, je vous en tisserais bien un moi-même, si j’avais du chanvre.

L’abbé Mouret ne répondait pas. Il préparait le calice sur une petite table, un grand vieux calice d’argent doré, à pied de bronze, qu’il venait de prendre au fond d’une armoire de bois blanc, où étaient enfermés les vases et les linges sacrés, les Saintes Huiles, les Missels, les chandeliers, les croix. Il posa en travers de la coupe un purificatoire propre, mit par-dessus ce linge la patène d’argent doré, contenant une hostie, qu’il recouvrit d’une petite pale de lin. Comme il cachait le calice, en pinçant les deux plis du voile d’étoffe d’or, appareillé à la chasuble, la Teuse s’écria :

— Attendez, il n’y a pas de corporal dans la bourse… J’ai pris hier soir tous les purificatoires, les pales et les corporaux sales pour les blanchir, à part bien sûr, pas dans la lessive… Je ne vous ai pas dit, monsieur le curé : je viens de la mettre en train, la lessive. Elle est joliment grasse ! Elle sera meilleure que la dernière fois.

Et pendant que le prêtre glissait un corporal dans la bourse, et qu’il posait sur le voile la bourse, ornée d’une croix d’or sur un fond d’or, elle reprit vivement :

— À propos, j’oubliais ! ce galopin de Vincent n’est pas venu. Voulez-vous que je serve la messe, monsieur le curé ?

Le jeune prêtre la regarda sévèrement.

— Eh ! ce n’est pas un péché, continua-t-elle avec son bon sourire. Je l’ai servie une fois, la messe, du temps de monsieur Caffin. Je la sers mieux que des polissons qui rient comme des païens pour une mouche volant dans l’église…