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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

mur, à demi-arrachée. Dans le champ vide, le soleil dormait, sur les herbes sèches. Le convoi entra, en psalmodiant le dernier verset du Miserere. Et il y eut un silence.

Requiem æternam dona ei, Domine, reprit d’une voix grave l’abbé Mouret.

Et lux perpetua luceat ei, ajouta Frère Archangias, avec un mugissement de chantre.

D’abord, Vincent s’avançait, en surplis, portant la croix, une grande croix de cuivre à moitié désargentée, qu’il levait à deux mains, très-haut. Puis, marchait l’abbé Mouret, pâle dans sa chasuble noire, la tête droite, chantant sans un tremblement des lèvres, les yeux fixés au loin, devant lui. Le cierge allumé qu’il tenait tachait à peine le plein jour d’une goutte chaude. Et, à deux pas, le touchant presque, venait le cercueil d’Albine, que quatre paysans portaient sur une sorte de brancard peint en noir. Le cercueil mal recouvert par un drap trop court, montrait, aux pieds, le sapin neuf de ses planches, dans lequel les têtes des clous mettaient des étincelles d’acier. Au milieu du drap, des fleurs étaient semées, des poignées de roses blanches, de jacinthes et de tubéreuses, prises au lit même de la morte.

— Faites donc attention ! cria Frère Archangias aux paysans, lorsque ceux-ci penchèrent un peu le brancard, pour qu’il pût passer, sans s’accrocher à la grille. Vous allez tout flanquer par terre !

Et il retint le cercueil de sa grosse main. Il portait l’aspersoir, faute d’un second clerc ; et il remplaçait également le chantre, le garde-champêtre, qui n’avait pu venir.

— Entrez aussi, vous autres, dit-il en se tournant.

C’était un autre convoi, le petit de la Rosalie, mort la veille, dans une crise de convulsions. Il y avait là, la mère, le père, la vieille Brichet, Catherine, et deux grandes filles, la Rousse et Lisa. Ces dernières tenaient le cercueil du petit, chacune par un bout.