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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

— Ici, Voriau ! appela Fortuné.

Le grand chien noir, qui était allé flairer la bière, revint en rechignant.

— Pourquoi a-t-on amené ce chien ? s’écria Rosalie.

— Pardi ! il nous a suivis, dit Lisa, en s’égayant discrètement.

Tout ce monde causait à demi-voix, autour du cercueil du petit. Le père et la mère l’oubliaient par moments ; puis, ils se taisaient, quand ils le retrouvaient là, entre eux, à leurs pieds.

— Et le père Bambousse n’a pas voulu venir ? demanda la Rousse.

La vieille Brichet leva les yeux au ciel.

— Il parlait de tout casser, hier, quand le petit est mort, murmura-t-elle. Non, ce n’est pas un bon homme, je le dis devant vous, Rosalie… Est-ce qu’il n’a pas failli m’étrangler, en criant qu’on l’avait volé, qu’il aurait donné un de ses champs de blé, pour que le petit mourût trois jours avant la noce !

— On ne pouvait pas savoir, dit d’un air malin le grand Fortuné.

— Qu’est-ce que ça fait que le vieux se fâche ! ajouta Rosalie. Nous sommes mariés tout de même, maintenant.

Ils se souriaient par-dessus la petite bière, les yeux luisants. Lisa et la Rousse se poussèrent du coude. Tous redevinrent très-sérieux. Fortuné avait pris une motte de terre pour chasser Voriau, qui rôdait à présent parmi les vieilles dalles.

— Ah ! voilà que ça va être fini, souffla très-bas la Rousse.

Devant la fosse, l’abbé Mouret achevait le De profundis. Puis, il s’approcha du cercueil, à pas lents, se redressa, le regarda un instant, sans un battement de paupières. Il semblait plus grand, il avait une sérénité de visage qui le