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LES ROUGON-MACQUART.

jamais, celui-là !… Ça ne fait rien, viens toujours. Ta vue seule est capable de le guérir.

Le prêtre monta. Le docteur, qui parut regretter sa plaisanterie, se montra très-affectueux, tout en jetant au cheval de légers claquements de langue. Il regardait son neveu curieusement, du coin de l’œil, de cet air aigu des savants qui prennent des notes. Il l’interrogea, par petites phrases, avec bonhomie, sur sa vie, sur ses habitudes, sur le bonheur tranquille dont il jouissait aux Artaud. Et, à chaque réponse satisfaisante, il murmurait, comme se parlant à lui-même, d’un ton rassuré :

— Allons, tant mieux, c’est parfait.

Il insista surtout sur l’état de santé du jeune curé. Celui-ci, étonné, lui assurait qu’il se portait à merveille, qu’il n’avait ni vertiges, ni nausées, ni maux de tête.

— Parfait, parfait, répétait l’oncle Pascal. Au printemps, tu sais, le sang travaille. Mais tu es solide, toi… À propos, j’ai vu ton frère Octave, à Marseille, le mois passé. Il va partir pour Paris, il aura là-bas une belle situation dans le haut commerce. Ah ! le gaillard, il mène une jolie vie.

— Quelle vie ? demanda naïvement le prêtre.

Le docteur, pour éviter de répondre, claqua de la langue. Puis, il reprit :

— Enfin, tout le monde se porte bien, ta tante Félicité, ton oncle Rougon, et les autres… Ça n’empêche pas que nous ayons bon besoin de tes prières. Tu es le saint de la famille, mon brave ; je compte sur toi pour faire le salut de toute la bande.

Il riait, mais avec tant d’amitié, que Serge lui-même arriva à plaisanter.

— C’est qu’il y en a, dans le tas, continua-t-il, qui ne seront pas aisés à mener en paradis. Tu entendrais de belles confessions, s’ils venaient à tour de rôle… Moi, je n’ai pas besoin qu’ils se confessent, je les suis de loin, j’ai leurs