Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/57

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IX


Cependant, le cabriolet suivait de nouveau le chemin creux, le long de l’interminable mur du Paradou. L’abbé Mouret, silencieux, levait les yeux, regardait les grosses branches qui se tendaient par-dessus ce mur, comme des bras de géants cachés. Des bruits venaient du parc, des frôlements d’ailes, des frissons de feuilles, des bonds furtifs cassant les branches, de grands soupirs ployant les jeunes pousses, toute une haleine de vie roulant sur les cimes d’un peuple d’arbres. Et, parfois, à certain cri d’oiseau qui ressemblait à un rire humain, le prêtre tournait la tête avec une sorte d’inquiétude.

— Une drôle de gamine ! disait l’oncle Pascal, en lâchant un peu les guides. Elle avait neuf ans, lorsqu’elle est tombée chez ce païen. Un frère à lui, qui s’est ruiné, je ne sais plus dans quoi. La petite se trouvait en pension quelque part, quand le père s’est tué. C’était même une demoiselle, savante déjà, lisant, brodant, bavardant, tapant sur les pianos. Et coquette donc ! Je l’ai vue arriver, avec des bas à jour,