Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/61

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X


Quand l’abbé Mouret se retrouva seul, dans la poussière du chemin, il se sentit plus à l’aise. Ces champs pierreux le rendaient à son rêve de rudesse, de vie intérieure vécue au désert. Le long du chemin creux, les arbres avaient laissé tomber sur sa nuque des fraîcheurs inquiétantes, que maintenant le soleil ardent séchait. Les maigres amandiers, les blés pauvres, les vignes infirmes, aux deux bords de la route, l’apaisaient, le tiraient du trouble où l’avaient jeté les souffles trop gras du Paradou. Et, au milieu de la clarté aveuglante qui coulait du ciel sur cette terre nue, les blasphèmes de Jeanbernat ne mettaient même plus une ombre. Il eut une joie vive, lorsque, en levant la tête, il aperçut à l’horizon la barre immobile du Solitaire, avec la tache des tuiles roses de l’église.

Mais, à mesure qu’il avançait, l’abbé était pris d’une autre inquiétude. La Teuse allait le recevoir d’une belle façon, avec son déjeuner froid qui devait attendre depuis près de deux heures. Il s’imaginait son terrible visage, le