Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grande. Ses parents furent heureux de constater chez elle une piété profonde. À l’église, elle demeurait abîmée, son front entre les mains. Dans la maison, elle mettait un parfum d’innocence et de paix. On lui reprochait un seul défaut : elle était gourmande, elle mangeait du matin au soir des bonbons, qu’elle suçait les yeux demi-clos, avec un petit frisson de ses lèvres rouges. Personne n’aurait reconnu l’enfant muette et entêtée, qui revenait du jardin en lambeaux, sans vouloir dire à quel jeu elle s’était déchirée ainsi. Le marquis et la marquise, cloîtrés depuis quinze ans au fond du grand hôtel vide, crurent devoir rouvrir leur salon. Ils donnèrent quelques dîners à la noblesse du pays. Ils firent même danser. Leur dessein était de marier Thérèse. Et, malgré sa froideur, elle se montrait complaisante, s’habillait et valsait, mais avec un visage si blanc, qu’elle inquiétait les jeunes hommes qui se risquaient à l’aimer.

Jamais Thérèse n’avait reparlé du petit Colombel. Le marquis s’était occupé de lui et venait de le placer chez Me Savournin, après lui avoir fait donner quelque instruction. Un jour, Françoise, ayant amené son fils, le poussa devant elle, en rappelant à la jeune fille son camarade