Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/172

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Julien entendait, contre son crâne, de grands coups qui l’empêchaient de suivre un raisonnement. Il était chez Thérèse, et cela l’emplissait de félicité. Puis, tout d’un coup, quand il venait à penser qu’il y avait là le cadavre d’un homme, au fond de cette alcôve dont les rideaux, en l’effleurant, lui causaient un frisson, il se sentait défaillir. Elle avait aimé cet avorton, Dieu juste ! était-ce possible ? Il lui pardonnait de l’avoir tué ; ce qui lui allumait le sang, c’étaient les pieds nus de Colombel, les pieds nus de cet homme au milieu des dentelles du lit. Avec quelle joie il le jetterait dans le Chanteclair, au bout du pont, à un endroit profond et noir qu’il connaissait bien ! Ils en seraient débarrassés tous les deux, ils pourraient se prendre ensuite. Alors, à la pensée de ce bonheur qu’il n’osait rêver le matin, il se voyait brusquement sur le lit, à la place même où gisait le cadavre, et la place était froide, et il éprouvait une répugnance terrifiée.

Renversée au fond du fauteuil, Thérèse ne remuait pas. Sur la clarté vague de la fenêtre, il voyait simplement la tache haute de son chignon. Elle restait le visage entre les mains, sans qu’il fût possible de connaître le sentiment qui l’anéantissait ainsi. Était-ce une simple détente physique,