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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/185

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avait la conscience très nette ; mais il ne pouvait s’empêcher de galoper, il sentait encore derrière lui le carré vide et clair de la place des Quatre-Femmes, avec les fenêtres de la notaresse et du capitaine, allumées comme deux grands yeux qui le regardaient. Ses souliers faisaient sur le pavé un tapage tel, qu’il se croyait poursuivi. Puis, tout d’un coup, il s’arrêta. À trente mètres, il venait d’entendre les voix des officiers de la table d’hôte qu’une veuve blonde tenait rue Beau-Soleil. Ces messieurs devaient s’être offert un punch, pour fêter la permutation de quelque camarade. Le jeune homme se disait que, s’ils remontaient la rue, il était perdu ; aucune rue latérale ne lui permettait de fuir, et il n’aurait certainement pas le temps de retourner en arrière. Il écoutait la cadence des bottes et le léger cliquetis des épées, pris d’une anxiété qui l’étranglait. Pendant un instant, il ne put se rendre compte si les bruits se rapprochaient ou s’éloignaient. Mais ces bruits, lentement, s’affaiblirent. Il attendit encore, puis il se décida à continuer sa marche, en étouffant ses pas. Il aurait marché pieds nus, s’il avait osé prendre le temps de se déchausser.

Enfin, Julien déboucha devant la porte de la ville.