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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/209

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exquis. À droite, à gauche, il y avait des champs de fleurs, des champs d’héliotropes et de roses surtout. Le pays est peuplé de jardiniers qui font pousser des fleurs, comme les paysans font ailleurs pousser le blé. On marche dans un parfum pénétrant, tandis que des femmes moissonnent les roses, les giroflées, les œillets, que des voitures emportent à Paris.

Vers huit heures, cependant, nous arrivions chez la mère Sens. Je crois que la bonne femme est morte aujourd’hui. La mère Sens tenait un cabaret, entre Fontenay-aux-Roses et Robinson. Toute une légende courait sur l’établissement. Une bande de peintres réalistes, vers 1845, l’avait mis à la mode. Courbet y régna un moment ; on prétendait même que la grande enseigne de la porte, un écroulement de viandes, de volailles et de légumes, était en partie due à son pinceau. En tout cas, c’était un aimable cabaret, qui alignait ses bosquets sous des arbres superbes, des bosquets d’une fraîcheur délicieuse, où l’on buvait du petit vin aigre dans des pots de terre, et où l’on mangeait des gibelottes de lapin renommées. Nous faisions là notre premier repas, au frisson un peu froid des ombrages, sur un bout de table noirci par la pluie, sans nappe. À cette heure