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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/214

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dentelle, des verts presque noirs, massés puissamment ; un saule laissait tomber ses branches, un tremble semblait mettre au fond une pluie de cendre grise. Et tous ces feuillages, qui se perdaient en fusées, qui étageaient leurs rondeurs, qui enguirlandaient des bouts de draperies traînantes, se reflétaient dans le miroir d’acier de la mare, creusaient là un autre ciel, où leurs images pures se répétaient exactement. Pas une mouche volante ne ridait la surface de l’eau. Un calme profond, une paix souveraine endormait ce trou clair. On songeait au bain de la Diane antique, trempant ses pieds de neige dans les sources ignorées des bois. Un charme mystérieux pleuvait des grands arbres, tandis qu’une volupté discrète, les amours silencieuses des forêts, montaient de cette eau morte, où passaient de larges moires d’argent.

La mare verte avait fini par devenir le but de toutes nos promenades. Nous avions pour elle un caprice de poète et de peintre. Nous l’aimions d’amour, passant nos journées du dimanche sur l’herbe fine qui l’entourait. Paul en avait commencé une étude, l’eau au premier plan, avec de grandes herbes flottantes, et les arbres s’enfonçant comme les coulisses d’un théâtre, drapant dans un recul de chapelle les rideaux de leurs branches.