Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/215

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Moi, je m’étendais sur le dos, un livre à mon côté ; mais je ne lisais guère, je regardais le ciel à travers les feuilles, des trous bleus qui disparaissaient dans un remous, lorsque le vent soufflait. Les rayons minces du soleil traversaient les ombrages comme des balles d’or, et jetaient sur les gazons des palets lumineux, dont les taches rondes voyageaient avec lenteur. Je restais là des heures sans ennui, échangeant une rare parole avec mon compagnon, fermant parfois les paupières et rêvant alors, dans la clarté confuse et rose qui me baignait.

Nous campions là, nous déjeunions, nous dînions, et le crépuscule seul nous chassait. Nous attendions que le soleil oblique allumât la forêt d’un incendie. Au sommet des arbres, une flamme brûlait, et la mare, qui reflétait cette flamme, devenait sanglante, dans l’ombre dont le flot épaissi noyait déjà la terre. Cette ombre était complètement tombée, que le miroir d’acier gardait une lueur ; on eût dit qu’il avait une lumière propre, qu’il flambait au fond des ténèbres comme un diamant ; et nous restions un instant encore devant cet éclat mystérieux, cette blancheur de déesse se baignant à la lune. Mais il fallait regagner la gare, nous traversions le bois qui s’endormait. Une vapeur bleuissait les taillis ; au loin, les troncs noirs des