Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/241

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Pourtant, certains disaient que Margot, au fond, n’était pas si furieuse de voir Delphin tourner autour d’elle. Ce Delphin était un petit blond, la peau dorée par le hâle de la mer, avec une toison de cheveux frisés qui lui descendait sur les yeux et dans le cou. Et très fort, malgré sa taille fine ; très capable d’en rosser de trois fois plus gros que lui. On racontait qu’il se sauvait parfois et allait passer la nuit à Grandport. Cela lui donnait une réputation de loup-garou auprès des filles, qui l’accusaient entre elles de faire la vie, expression vague où elles mettaient toutes sortes de jouissances inconnues. Margot, quand elle parlait de Delphin, se passionnait trop. Lui, souriait d’un air sournois, la regardait avec des yeux minces et luisants, sans s’inquiéter le moins du monde de ses dédains ni de ses emportements. Il passait devant sa porte, il se coulait le long des broussailles, la guettait pendant des heures, plein d’une patience et d’une souplesse de chat à l’affût d’une mésange ; et, quand elle le découvrait tout d’un coup, derrière ses jupes, si près d’elle parfois qu’elle le devinait à la tiédeur de son haleine, il ne fuyait pas, il prenait un air doux et triste, qui la laissait interdite, suffoquée, ne retrouvant sa colère que lorsqu’il était loin. Sûre-