Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/293

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chantait par toutes ses fenêtres. Pierre, le soir, inventait des jeux, racontait des histoires de son régiment. Tante Agathe, le dimanche, faisait des galettes pour nos filles. Puis, c’étaient des cantiques que savait Marie, des cantiques qu’elle filait avec une voix d’enfant de chœur ; elle ressemblait à une sainte, ses cheveux blonds tombant dans son cou, ses mains nouées sur son tablier. Je m’étais décidé à élever la maison d’un étage, lorsque Aimée avait épousé Cyprien ; et je disais en riant qu’il faudrait l’élever d’un autre, après le mariage de Véronique et de Gaspard ; si bien que la maison aurait fini par toucher le ciel, si l’on avait continué, à chaque ménage nouveau. Nous ne voulions pas nous quitter. Nous aurions plutôt bâti une ville, derrière la ferme, dans notre enclos. Quand les familles sont d’accord, il est si bon de vivre et de mourir où l’on a grandi !

Le mois de mai a été magnifique, cette année. Depuis longtemps, les récoltes ne s’étaient annoncées aussi belles. Ce jour-là, justement, j’avais fait une tournée avec mon fils Jacques. Nous étions partis vers trois heures. Nos prairies, au bord de la Garonne, s’étendaient, d’un vert encore tendre ; l’herbe avait bien trois pieds de haut, et une oseraie, plantée l’année dernière, donnait déjà des