Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/304

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tour, en voyant les grands yeux suppliants de nos filles.

Aimée avait couché ses deux enfants dans son lit. Elle se tenait au chevet, assise, en compagnie de Véronique et de Marie. Tante Agathe parlait de faire chauffer du vin qu’elle avait monté, pour nous donner du courage à tous. Jacques et Rose, à la même fenêtre, regardaient. J’étais devant l’autre fenêtre, avec mon frère, Cyprien et Gaspard.

— Montez donc ! criai-je à nos deux servantes, qui pataugeaient au milieu de la cour. Ne restez pas à vous mouiller les jambes.

— Mais les bêtes ? dirent-elles. Elles ont peur, elles se tuent dans l’étable.

— Non, non, montez… Tout à l’heure. Nous verrons.

Le sauvetage du bétail était impossible, si le désastre devait grandir. Je croyais inutile d’épouvanter nos gens. Alors, je m’efforçai de montrer une grande liberté d’esprit. Accoudé à la fenêtre, je causais, j’indiquais les progrès de l’inondation. La rivière, après s’être ruée à l’assaut du village, le possédait jusque dans ses plus étroites ruelles. Ce n’était plus une charge de vagues galopantes, mais un étouffement lent et invincible. Le creux, au fond duquel Saint-Jory est bâti, se changeait