Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/328

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— Oui, oui, dis-je à Gaspard. C’est impossible, nous ne pouvons nous en aller sans elle.

Il baissa la tête, sans une parole, et se mit, avec sa perche, à se servir de tous les murs restés debout. Nous longions la maison voisine, nous passions par-dessus nos étables. Mais, dès que nous débouchâmes dans la rue, un cri nous échappa. Le courant, qui nous avait ressaisis, nous emportait de nouveau, nous ramenait contre notre maison. Ce fut un vertige de quelques secondes. Nous étions roulés comme une feuille, si rapidement, que notre cri s’acheva dans le choc épouvantable du radeau sur les tuiles. Il y eut un déchirement, les planches déclouées tourbillonnèrent, nous fûmes tous précipités. J’ignore ce qui se passa alors. Je me souviens qu’en tombant je vis tante Agathe à plat sur l’eau, soutenue par ses jupes ; et elle s’enfonçait, la tête en arrière, sans se débattre.

Une vive douleur me fit ouvrir les yeux. C’était Pierre qui me tirait par les cheveux, le long des tuiles. Je restai couché, stupide, regardant. Pierre venait de replonger. Et, dans l’étourdissement où je me trouvais, je fus surpris d’apercevoir tout d’un coup Gaspard, à la place où mon frère avait disparu : le jeune homme portait Véronique dans ses bras. Quand il l’eut déposée près de moi, il se