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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/331

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C’était la fin. Le village détruit ne montrait plus, autour de nous, que quelques pans de murailles. Seule, l’église dressait son clocher intact, d’où venaient toujours des voix, un murmure de gens à l’abri. Au loin, ronflait la coulée énorme des eaux. Nous n’entendions même plus ces éboulements de maisons, pareils à des charrettes de cailloux brusquement déchargées. C’était un abandon, un naufrage en plein Océan, à mille lieues des terres.

Un instant, nous crûmes surprendre à gauche un bruit de rames. On aurait dit un battement, doux, cadencé, de plus en plus net. Ah ! quelle musique d’espoir, et comme nous nous dressâmes tous pour interroger l’espace ! Nous retenions notre haleine. Et nous n’apercevions rien. La nappe jaune s’étendait, tachée d’ombres noires ; mais aucune de ces ombres, cimes d’arbres, restes de murs écroulés, ne bougeait. Des épaves, des herbes, des tonneaux vides, nous causèrent des fausses joies ; nous agitions nos mouchoirs, jusqu’à ce que, notre erreur reconnue, nous retombions dans l’anxiété qui frappait toujours nos oreilles, de ce bruit sans que nous pussions découvrir d’où il venait.

— Ah ! je la vois, cria Gaspard, brusquement. Tenez ! là-bas, une grande barque !

Et il nous désignait, le bras tendu, un point