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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/128

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génie, qui porta le premier costume de Didon vraiment historique, une tunique de lin, des brodequins lacés sur le pied nu, une couronne entourée d’un voile retombant par derrière, un manteau de pourpre, une robe attachée par une ceinture au-dessous de la gorge. Je passe également sur Clairval, Dugazon et Larive, qui continuèrent plus ou moins les réformes de mademoiselle Clairon et de Lekain. A ce moment, un grand pas était fait ; mais, si le mouvement de réforme s’accentuait, on était encore loin de la vérité. Les coupes des vêtements étaient changées, mais les étoffes trop riches demeuraient. Talma allait enfin porter le dernier coup à la convention.

Ce comédien de génie fut passionné pour son art. Il fouilla l’antiquité, il réunit une collection de costumes et d’armes, il se fit dessiner des costumes par David, ne négligeant aucune source, voulant la vérité exacte pour arriver au caractère. Ici, je me permettrai une longue citation qui résumera les réformes opérées par Talma.

« Il parut dans le rôle du tribun Proculus, de Brutus, vêtu d’un costume fidèlement calqué sur les habits romains. Le rôle n’avait pas quinze vers ; mais cette heureuse innovation qui, d’abord, étonna et laissa quelques minutes le public en suspens, finit par être applaudie… Au foyer, un de ses camarades lui demanda « s’il avait mis des draps mouillés sur ses épaules ? » tandis que la charmante Louise Contat, lui adressant sans le vouloir l’éloge le plus flatteur, s’écriait : « Voyez donc Talma, qu’il est laid ! Il a l’air d’une statue antique. » Pour toute réponse, le tragédien déroula aux yeux des persifleurs le modèle même que David lui avait dessiné pour son costume. A