Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/195

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Voilà une belle comparaison, mais le malheur est que le naturalisme est partout, aussi bien à cinq lieues qu’à cinq mètres. Il n’exclut rien, il accepte tout, il peint tout.

Je ne puis m’empêcher de m’égayer honnêtement, en pensant que M. de Lapommeraye a cru tuer le naturalisme avec une comparaison. Il s’attaque à l’esprit moderne tout entier, et il n’a qu’une belle comparaison pour arme. Imaginez une rose pour barrer le chemin à un torrent. Veut-on savoir ce que c’est que le naturalisme, tout simplement ? Dans la science, le naturalisme, c’est le retour à l’expérience et à l’analyse, c’est la création de la chimie et de la physique, ce sont les méthodes exactes qui, depuis la fin du siècle dernier, ont renouvelé toutes nos connaissances ; dans l’histoire, c’est l’étude raisonnée des faits et des hommes, la recherche des sources, la résurrection des sociétés et de leurs milieux ; dans la critique, c’est l’analyse du tempérament de l’écrivain, la reconstruction de l’époque où il a vécu, la vie remplaçant la rhétorique ; dans les lettres, dans le roman surtout, c’est la continuelle compilation des documents humains, c’est l’humanité vue et peinte, résumée en des créations réelles et éternelles. Tout notre siècle est là, tout le travail gigantesque de notre siècle, et ce n’est pas une comparaison de M. de Lapommeraye qui arrêtera ce travail.

Certes, je reconnais moi-même l’inutilité de ces polémiques. Le naturalisme se produira au théâtre, cela est indéniable pour moi, parce que cela est dans la loi même du mouvement qui nous emporte. Mais, au lieu de donner ici de bonnes raisons, j’aimerais mieux que de grandes œuvres naturalistes parussent