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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/208

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és.

Naturellement, M. Talray entend être maître absolu dans le théâtre où on le joue. Quand on a le moyen de mettre ses pièces dans leurs meubles, on serait bien sot de les loger en garni à la Comédie-Française ou à l’Odéon. Cela explique pourquoi M. Talray s’est adressé une première fois au théâtre-Déjazet, et la seconde fois à l’Ambigu. Seules les méchantes langues laissent entendre que M. Perrin et M. Duquesnel auraient pu refuser ses pièces, fruits d’un noble loisir. M. Talray veut simplement passer de son salon sur la scène, sans quitter son appartement ; et, s’il n’a pas bâti un théâtre, c’est que le temps a dû lui manquer. Il cherche donc une salle à louer, accepte le premier théâtre en déconfiture qui se présente, en se disant que les chefs-d’œuvre honorent les planches les plus encanaillées.

Une légende s’est formée sur la façon magnifique dont il s’est conduit au théâtre-Déjazet. Il s’agissait seulement d’un petit acte, je crois ; et les ouvreuses elles-mêmes ont reçu en cadeau des bonnets neufs. A l’Ambigu, la solennité s’élargit. Songez donc ! une tragédie en quatre actes, quelque chose comme dix-huit cents vers ! Aussi le bruit s’est-il répandu que le directeur a demandé au poète quinze mille francs, pour jouer sa pièce quinze fois ; je ne parle pas des décors, des costumes, des accessoires. Les chiffres ne sont peut-être pas exacts ; mais il n’en est pas moins certain que l’auteur paye les frais et présente son œuvre au public, directement, sans l’avoir soumise au jugement de personne.

Ah ! c’est le rêve, et les gens très riches peuvent seuls se permettre une pareille tentative. J’ai entendu soutenir brillamment cette opinion, que l’auteur devait