Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des tempes me gagnait le crâne et me roidissait le cou.

Alors, l’ennui est arrivé, d’abord discret, un léger bâillement dissimulé entre les doigts, une envie sourde de penser à autre chose ; puis, il s’est élargi, il est devenu immense, insondable, sans borne. Oh ! l’ennui sans espoir, l’ennui écrasant qui descend dans chaque membre, dont on sent le poids dans les mains et dans les pieds ! Et impossible d’échapper à ce lent écrasement, les personnages s’imposent ; on les hait, on voudrait les supprimer, mais leur voix est comme un flot entêté qui bat, qui entame et qui noie les têtes les plus dures ; même quand on baisse les yeux pour ne plus les voir, on les sent, ou croit les avoir sur les épaules. Un malheur public, un deuil, sont moins lourds.

Ce qui me consternait surtout, c’était Séphare, le prêtre d’Isis. Pourquoi un prêtre d’Isis ? Sans doute l’auteur avait mis là-dessous le sens philosophique de son œuvre. La pièce restait tellement incompréhensible, qu’elle devait cacher quelque vérité supérieure. Les scènes se déroulaient : je songeais aux hypogées, aux pyramides, aux secrets que le Nil roule dans ses eaux boueuses. Je me sentais très bête, je tournais à l’ahurissement. Lorsqu’on s’est mis à chanter, j’ai eu l’envie ardente de me sauver, parce que tout espoir de comprendre s’en allait décidément. Mais j’étais trop engourdi ; j’appartenais à l’ennui vainqueur.

J’ai promis de tirer des enseignements de cette histoire. Le premier est que la tentative de M. Talray reste en elle-même excellente, et qu’on ne saurait trop engager les auteurs riches à l’imiter. Mais