Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/277

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dirai-je du style ? Il est nul. Nous avons, à l’heure présente, cinquante poètes qui font mieux les vers que M. Lomon. Ce dernier versifie proprement, et c’est tout. Il tient plus de Ponsard que de Victor Hugo.

Je me montre très sévère, parce que Jean Dacier a été pour moi une véritable désillusion. Comme j’attaquais vivement le drame historique, on m’avait fait remarquer qu’on pouvait très bien appliquer à l’histoire la méthode d’analyse qui triomphe en ce moment, et renouveler ainsi absolument le genre historique au théâtre. Il est certain que, si des poètes abandonnent le bric-à-brac romantique de 1830, les erreurs et les exagérations grossières qui nous font sourire aujourd’hui, ils pourront tenter la résurrection très intéressante d’une époque déterminée. Mais il leur faudra profiter de tous les travaux modernes, nous donner enfin la vérité historique exacte, ne pas se contenter de fantoches et ressusciter les générations disparues. Rude besogne, d’une difficulté extrême, qui demanderait des études considérables.

Or, j’avais cru comprendre que le Jean Dacier, de M. Lomon, était une tentative de ce genre. Et quelle surprise, à la représentation ! Ça, de l’histoire, allons donc ! C’est un placage, exécuté même par des mains maladroites. Pas un des personnages ne vit de la vie de l’époque. Ils se promènent comme des figures de rhétorique, ils n’ont que la charge de réciter des morceaux de versification. Et le milieu, bon Dieu ! Ce village breton, où Berthaud vient procéder aux enrôlements volontaires, cette mairie de Nantes où l’on marie les comtesses qui vont à la guillotine, seraient à peine suffisants pour la vraisemblance d’un opéra-