Aller au contenu

Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

heté qui lui ordonne de fusiller le père de sa bien-aimée ; heureusement, ce père se fait tuer noblement, ce qui simplifie la question. Qu’importe le sujet, d’ailleurs ! La prétention des poètes comme M. Lomon est d’écrire de beaux vers et de pousser aux belles actions.

Hélas ! les vers de M. Lomon sont médiocres. Beaucoup ont fait sourire. Les meilleurs frappent l’oreille comme des vers connus ; on les a certainement lus ou entendus quelque part, ils circulent dans l’école, tout le monde s’en est servi. Ne serait-il pas temps de chercher une poésie, en dehors de l’école lyrique de 1830 ? Je me borne à un souhait, car je ne vois rien de possible dans la pratique. Ce que je sens, c’est que tous nos poètes répètent Musset, Hugo, Lamartine ou Gautier, et que les œuvres deviennent de plus en plus pâles et nulles. Nous avons aujourd’hui une fin d’école romantique aussi stérile que la fin d’école classique qui a marqué le premier empire.

Pendant qu’on jouait l’autre soir le Marquis de Kénilis, je pensais à un poète de talent, à Louis Bouilhet, qu’on oublie singulièrement aujourd’hui. Celui-là se produisait encore à son heure, et il est telle de ses œuvres qui a de la force et même une note originale. Eh bien, si personne ne songe plus aujourd’hui à Louis Bouilhet, si aucun théâtre ne reprend ses pièces, quel est donc l’espoir de M. Lomon en chaussant des souliers qui ont mené à l’oubli des poètes mieux doués que lui, et venus en tout cas plus tôt dans une école agonisante ? Quel est cet entêtement de faire du vieux neuf, de ramasser les rognures d’hémistiches qui traînent, et dont le public lui-même ne veut plus ?

On répond par la dévotion à l’idéal. En face de notre littérature immonde, à côté de nos romans du