Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/285

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à côté de quelques traits acceptables, quelle étrange résurrection de ce terrible conquérant ! Tout le monde l’insulte pendant quatre actes. Les prisonniers, Herric, Hildiga, Gerontia, Walter, d’autres encore, défilent devant lui, en lui jetant à la face les plus sanglantes injures, sans qu’il se mette une seule fois dans une bonne et franche colère. Ce n’est pas tout, Maximin vient le braver au nom de Rome, avec un étalage d’insolence lyrique, et il se contente de lutter de lyrisme avec l’insulteur. De temps à autre, il est vrai, il se dresse sur la pointe des pieds, en disant : « C’est trop de hardiesse ! » Mais il s’en lient la, les hardiesses continuent, les plus humbles lui lavent la tête, on le traite à bouche que veux-tu de bourreau, de tyran, d’assassin ; une vraie cible aux tirades patriotiques de chacun, un fantoche criblé de vers, lardé des mots de patrie et d’honneur. Ah ! la bonne ganache de barbare ! A coup sûr, le tigre ne s’est pas défendu contre M. de Bornier, qui, avant de le faire manger par sa gazelle, l’a accommodé sans péril à la sauce des beaux sentiments.

Cet Attila est donc un brave homme. Ajoutons qu’il a des mouvements d’humeur. Ainsi, s’il tolère autour de lui les gens qui l’injurient, il fait crucifier ceux de ses soldats qui gardent le silence ; voir l’épisode du premier acte. D’autre part, il donne l’ordre de couper le cou de Walter, dans un moment de vivacité ; mais, en vérité, ce Walter a bien mérité son sort ; on n’« embête » pas un tyran à ce point, le moindre tigre en chambre n’aurait certainement pas attendu d’être provoqué deux fois. La bonhomie imbécile de Géronte, jointe à la folie meurtrière de Polichinelle, voilà l’Attila de M. de Bornier. Dès qu’il a besoin de