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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/287

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sublime là dedans, qu’à la fin du quatrième acte, j’aurais donné volontiers trois francs d’un simple mot qui ne fût pas sublime. Mais c’est justement au quatrième acte que le sublime déborde et vous noie. Ainsi je n’ai pas parlé d’Ellak, ce fils d’Attila qui a le cœur tendre et qui veut sauver Hildiga ; quand il comprend, dans la chambre nuptiale, qu’elle va tuer son père, il est torturé par la pensée de prévenir celui-ci et de la livrer ainsi à sa fureur ; mais Attila parle justement de faire mourir la mère d’Ellak pour une faute ancienne, et alors le jeune homme n’hésite plus, il livre son père à Hildiga pour sauver sa mère. Sublime, vous dis-je, sublime ! Si ce n’était pas sublime, ce serait bête.

Et quel coup de sublime encore que le dénoûment ! Attila raconte à Hildiga le rêve qu’il a fait, en la voyant en vierge qui foulait au pied le serpent. Hildiga, flairant un piège, lui répond par un autre songe : elle a rêvé qu’elle l’assassinait d’un coup de sa hache. Vous croyez qu’Attila va se méfier et prendre ses précautions avec cette faible femme qu’il peut écraser d’une chiquenaude. Allons donc ! Il passe avec elle derrière un rideau, et nous l’entendons tout de suite glousser comme un poulet qu’on égorge. C’est sublime !

Le sublime, voilà la seule excuse, à ce point de dédain absolu pour tout ce qui est vrai et humain. D’ailleurs, M. de Bornier ne se défend pas d’avoir voulu se mettre en dehors de l’humanité. « Après bien des hésitations, dit-il, j’ai choisi le temps et le personnage d’Attila, précisément parce que le temps est obscur et le personnage peu connu. » Il insiste beaucoup sur ce point que personne ne peut pénétrer