Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/298

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trouver, c’est la pensée qu’un roman transporté au théâtre doit rester entier. Mais des auteurs qui ne seraient tenus à aucun respect envers l’Assommoir, et qui préféreraient même s’en écarter un peu, n’inventeraient pas une adaptation plus adroite que Pierre Gendron. Et cela est d’autant plus miraculeux que cette comédie a été écrite avant le roman.

Voici l’adaptation. Faites que Coupeau ne soit pas marié avec Gervaise, et admettez que Coupeau, tout en connaissant Lantier, ignore ses anciens rapports avec la jeune femme ; dès lors, Coupeau, qui est un honnête ouvrier, pourra ramener Lantier dans son ménage, et, de ce retour, naîtront tous les éléments dramatiques nécessaires. Gervaise, naturellement, tremblera devant Lantier et refusera avec horreur le marché de honte qu’il lui offre pour garder le silence. Quant au dénoûment, il sera aimable ou triste, selon le théâtre où l’on portera la pièce.

Mais la rencontre la plus curieuse est peut-être que le retour de Lantier, dans le roman et dans le drame, a lieu pendant un repas de famille. Seulement, dans le roman, le repas est donné le jour de la fête de Gervaise ; tandis que, dans le drame, il a lieu le jour de la fête de Coupeau.

Je n’ai pas besoin de faire remarquer les conséquences énormes que la légère modification du sujet amène au point de vue théâtral. Au lieu de cette déchéance lente du ménage, qui est le roman tout entier, on n’a plus qu’un honnête ménage d’ouvriers tyrannisé et menacé par un sacripant. Les auteurs ont même chargé Lantier en noir ; ils en ont fait un assassin, que les gendarmes emmènent au dénoûment, ce qui est vraiment trop gros et noie leur œuvre dans