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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/349

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jeux de société de sa jeunesse.

J’ai bien suivi les impressions du public, au courant des trois actes. D’abord, j’ai constaté un peu de froideur. On voyait les auteurs venir avec leurs gros sabots, et l’on échangeait des regards comme pour se dire qu’on savait bien la suite. Même, derrière moi, un monsieur très ferré sans doute sur le répertoire de nos vaudevilles, citait les pièces où la même idée se trouvait déjà ; et il y en avait une longue liste, je vous assure. Mais l’intrigue se nouait, le charme opérait peu à peu. Je m’imaginais apercevoir les auteurs derrière une coulisse, tendant leur piège avec la tranquillité d’hommes qui connaissent la bonne glu. Tous les vieux mots portaient. A mesure que les spectateurs se retrouvaient davantage en pays de connaissance, ils devenaient bons enfants, s’amusaient aux endroits où ils s’amusent depuis leur âge le plus tendre. Certes, ils étaient de plus en plus certains du dénouement, tous vous auraient dit comment tourneraient les choses, il n’y avait pas dans leur émotion le moindre doute sur la félicité finale des personnages ; mais cela les ravissait d’assister une fois de plus au dévidage adroit de cet écheveau dramatique si bien embrouillé.

Les auteurs allaient-ils prendre le fil à gauche ou à droite ? Et cette seule alternative suffisait à leur bonheur. Puis, il y avait encore le hasard des nœuds ; innocentes catastrophes, aussi vite réparées que survenues, qui accidentaient la route parcourue tant de fois. Dès le second acte, la salle ravie se croyait encore au Procès Veauradieux, et applaudissait à tout rompre. Grand succès.