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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/367

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J’avoue, pourtant, n’avoir pas la force de me fâcher. S’il est bien entendu que toute prétention de littérature dramatique est absente, il y a là un véritable émerveillement. Les acteurs ne sont plus que des personnages muets et riches, perdus au milieu d’une prodigieuse vision. Au fond de sa salle, on peut se croire endormi, rêvant d’or et de lumière ; et même les mots bêtes qu’on entend, malgré soi, par moments, sont comme les trous d’ombre obligés qui gâtent les plus heureux sommeils. Les ballets sont charmants, car les danseuses n’ont rien à dire. Il y a toujours bien deux ou trois actrices jolies, montrant le plus possible de leur peau blanche. On a chaud, on digère, on regarde, sans avoir la peine de penser, bercé par une musique aimable. Et, après tout, quand on va se coucher, on a passé une agréable soirée.

Certes, au théâtre, il faut laisser un vaste cadre à l’adorable école buissonnière de l’imagination. La féerie est le cadre tout trouvé de cette débauche exquise. Je veux dire quelle serait la féerie que je souhaite. Le plus grand de nos poètes lyriques en aurait écrit les vers ; le plus illustre de nos musiciens en composerait la musique. Je confierais les décors aux peintres qui font la gloire de notre école, et j’appellerais les premiers d’entre nos sculpteurs pour indiquer des groupes et veiller à la perfection de la plastique. Ce n’est pas tout, il faudrait, pour jouer ce chef-d’œuvre, des femmes belles, des hommes forts, les acteurs célèbres dans le drame et dans la comédie. Ainsi, l’art humain tout entier, la poésie, la musique, la peinture, la sculpture, le génie dramatique, et encore la beauté et la force, se