Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/370

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peinturlurées et si extraordinaires de formes, ont aussi cette invraisemblance lamentable ou grotesque qui ouvre l’au delà de la vie. En les regardant, on échappe à la terre, on entre dans le monde de l’impossible. J’adore ces joujoux comme j’adore les féeries.

La comédie et le drame, au contraire, sont tenus a être vraisemblables. Une nécessité les attache aux pavés des rues. Ils mentent, mais il faut qu’ils mentent avec des ménagements infinis, sous peine de nous blesser. Le triomphe de nos auteurs a été de déguiser le plus possible leurs mensonges, grâce à toute une convention savamment réglée ; de là, le code du théâtre. Ils nous ont peu à peu habitués au personnel comique ou dramatique, qui n’est autre qu’un personnel de féerie, sans paillette, sans truc, effacé et rapetissé. Pour moi, entre un roi de féerie et un prince des vaudevilles de Scribe, je ne fais qu’une différence : tous les deux sont mensongers, seulement le premier me ravit, tandis que le second m’irrite. Et il en est ainsi pour tous les personnages : ils ne sont pas plus humains dans un genre que dans l’autre ; ils s’agitent également en pleine convention. Je ne parle pas de l’intrigue elle-même ; je trouve, pour ma part, bien plus raisonnables les combinaisons scéniques de Rothomago, par exemple, que celles d’une foule de pièces dites sérieuses, dont il est inutile de citer les titres.

J’en veux arriver à cette conclusion, que le charme de la féerie est pour moi dans la franchise de la convention, tandis que je suis, par contre, fâché de l’hypocrisie de cette convention, dans la comédie et le drame. Vous voulez nous sortir de notre existence