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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/371

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de chaque jour, vous avancez comme argument que le public va chercher au théâtre des mensonges consolants, vous soutenez la thèse de l’idéal dans l’art, eh bien ! donnez-nous des féeries. Cela est franc, au moins. Nous savons que nous allons rêver tout éveillés. Et, d’ailleurs, une féerie n’est pas même un mensonge, elle est un conte auquel personne ne peut se tromper. Rien de bâtard en elle, elle est toute fantaisie. L’auteur y confesse qu’il entend rester dans l’impossible.

Passez à un drame ou à une comédie, et vous sentez immédiatement la convention devenir blessante. L’auteur triche. Il marche, dès lors, sur le terrain du réel ; mais comme il ne veut pas accepter ce terrain loyalement, il se met à argumenter, il déclare que le réel absolu n’est pas possible au théâtre, et il invente des ficelles, il tronque les faits et les gens, il cuisine cet abominable mélange du vrai et du faux qui devrait donner des nausées à toutes les personnes honnêtes. Le malheur est donc que nos auteurs, en quittant les féeries, en gardent la formule, qu’ils transportent sans grands changements dans les études de la vie réelle ; ils se contentent de remplacer les talismans par les papiers perdus et retrouvés, les personnages qui écoutent aux portes, les caractères et les tempéraments qui se démentent d’une minute à l’autre, grâce à une simple tirade. Un coup de sifflet, et il y a un changement à vue dans le personnage comme dans le décor.

Si réellement la vérité était impossible au théâtre, si les critiques avaient raison d’admettre en principe qu’il faut mentir, je répéterais sans cesse : « Donnez-nous des féeries, et rien que des féeries ! » La formule