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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/372

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y est entière, sans aucun jésuitisme. Voilà le théâtre idéal tel que je le comprends, faisant parler les bêtes, promenant les spectateurs dans les quatre éléments, mettant en scène les héros du Petit Poucet et de la Belle au bois dormant. Si vous touchez la terre, j’exige aussitôt de vous des personnages en chair et en os, qui accomplissent des actions raisonnables. Il faut choisir : ou la féerie ou la vie réelle.

Je songeais à ces choses, en voyant l’autre soir Rothomago, que le Châtelet vient de reprendre avec un grand luxe de costumes et de décors. Certes, cette féerie, au point de vue littéraire, ne vaut guère mieux que les autres ; mais elle est gaie et elle a le mérite d’être un bon prétexte aux splendeurs de la mise en scène.

Rien de plus démocratique, d’ordinaire, que le sujet de ces pièces. Ainsi, Rothomago repose sur le double amour d’un jeune prince pour une bergère et d’une jeune princesse pour un paysan. Naturellement, le prince et la princesse qu’on veut marier ensemble finissent par épouser chacun l’objet de sa flamme. Et remarquez que prince et princesse sont adorables, qu’ils feraient un couple charmant. N’importe, ils ne s’aiment pas, la force des talismans les empêche de se voir sans doute, et leurs cœurs s’en vont malgré tout courir la prétentaine au village. Tout cela est fou, et c’est pourtant ce qu’il y a de plus raisonnable dans l’œuvre, car je ne raconte pas les promenades dans les airs sur un dragon, ni les histoires de pirates qui viennent enlever les villageoises dans les blés.