Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/373

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III

J’ai vu, au théâtre de la Gaieté : le Chat botté, une féerie de MM. Blum et Tréfeu.

Quels adorables contes que ces contes de Perrault ! Ils ont une saveur de naïveté exquise. On a fait plus ingénieux, plus littéraire ; mais on n’a pas retrouvé cet accent si fin de bonhomie et de malice. Cela nous vient directement de notre vieille France ; je ne parle point des sujets, car des savants se sont amusés à les retrouver un peu dans toutes les mythologies ; je parle du ton gaillard et franc, de la simplicité de la fable. Le conteur a dit tout carrément ce qu’il avait à dire, et l’humanité vit sous chaque ligne.

Je sais bien que, de nos jours, on a trouvé Perrault immoral. Nous avons, comme personne ne l’ignore, une moralité très chatouilleuse. Où nos pères riaient, nous rougissons. Le mot nous effraie surtout, car nous savons encore nous accommoder avec la chose. Nous mettons des feuilles de vigne aux antiques, et nos filles baissent le nez en passant, ce qui prouve qu’elles sont très avancées pour leur âge. Cela est d’une hypocrisie raffinée, dont la pointe ajoute un ragoût aux plaisirs défendus. On ne sait plus regarder la vie en face, avec un franc et limpide regard.

Donc, les contes de Perrault sont devenus immoraux ; je veux dire qu’on en discute les conclusions au point de vue de la leçon morale. On voudrait que le bon Dieu, la Providence et le reste fussent dans l’affaire. Voici, par exemple, le Chat botté, ce merveilleux chat qui se met au service du marquis de Carabas et qui le marie à la plus belle des princesses, grâce à l’agi