Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/374

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lité de ses pattes et à la fertilité de ses ruses. C’est un maître trompeur ; il ment avec un aplomb parfait, il dupe les petits et les grands. Son unique qualité est d’être fidèle à la fortune de son marquis. Imaginez un valet de l’ancienne comédie, un de ces coquins qui ont tous les tours dans leur sac et qui ne triomphent que par des inventions du diable.

Voilà notre morale indignée. Admirable sujet pour faire un sermon contre le mensonge ! S’il y a une fortune mal acquise, c’est à coup sûr celle du marquis de Carabas. Il se nourrit de vol, il épouse la fille d’un roi, par une série de stratagèmes qui, de nos jours, mèneraient tout droit un gendre sur les bancs de la police correctionnelle. Et l’on ose mettre de pareilles histoires entre les mains des enfants ? On veut donc qu’ils deviennent des escrocs ? Ils ne sauraient prendre là que le goût des chemins tortueux. La conclusion du conte est, en somme, que pour réussir l’habileté vaut mieux que l’honnêteté.

O siècle pudique et moral, où les bourgeois ont peur des œuvres écrites comme les femmes laides ont peur des miroirs ! Au théâtre, on exige que la vertu soit récompensée. Dans le roman, on veut deux nobles âmes contre une âme basse, de même que dans certaines confitures de fruits amers il faut deux livres de sucre contre une livre de fruits. Cela est tout nouveau, c’est une fièvre d’hypocrisie à l’état aigu. Et les symptômes sont nombreux, les choses les plus naturelles deviennent indécentes, lorsqu’on a une préoccupation continue de l’indécence. Rien de pareil dans la belle santé sanguine des siècles passés. Sans remonter à Rabelais, lisez La Fontaine et Molière, tout le seizième siècle et tout le dix-