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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/376

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une ennemie publique qu’il faut étrangler derrière le trou du souffleur, comme une bête malfaisante.

Elle est, à cette heure, la formule la plus populaire de la sottise française. Son succès est celui des refrains idiots qui couraient autrefois les rues et qui assourdissaient toutes les oreilles, sans qu’on pût savoir d’où ils venaient. Depuis qu’elle règne, ces refrains du passé ont disparu ; elle les remplace, elle fournit des airs aux orgues de Barbarie, elle rend plus intolérables les pianos des femmes honnêtes et des femmes déshonnêtes. Son empire désastreux est devenu tel, que les gens de quelque goût devront finir par s’entendre et par conspirer, pour son extermination.

L’opérette a commencé par être un vaudeville avec couplets. Elle a pris ensuite l’importance d’un petit opéra-bouffe. C’était encore son enfance modeste ; elle gaminait, elle se faisait tolérer en prenant peu de place. D’ailleurs, elle ne tirait pas à conséquence, se permettant les farces les plus grosses, désarmant la critique par la folie de ses allures. Mais, peu à peu, elle a grandi, s’est étalée chaque jour davantage, de grenouille est devenue bœuf ; et le pis est qu’elle s’est ainsi élargie, sans cesser d’être une parade grossière, d’un grotesque à outrance qui fait songer aux cabanons de Bicêtre.

D’un acte l’opérette s’est enflée jusqu’à cinq actes. Le public, au lieu de s’en tenir à un éclat de rire d’une demi-heure, s’est habitué à ce spasme de démence bête qui dure toute une soirée. Dès lors, en se voyant maîtresse, elle a tout risqué, menant les spectateurs dans son boudoir borgne, prenant d’un entrechat, sur les plus grandes scènes, la place du