Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/378

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somme, je ne la hais pas en moraliste, je la hais en artiste indigné. Pour moi, son grand crime est de tenir trop de place, de détourner l’attention du public des œuvres graves, d’être un plaisir facile et abêtissant, auquel la foule cède et dont elle sort le goût faussé.

L’ancien vaudeville était préférable. Il gardait au moins une platitude bonne enfant. D’autre part, si l’on entre dans le relatif du métier, il est certain qu’il était moins rare de rencontrer un vaudeville bien fait qu’il ne l’est aujourd’hui de tomber sur une opérette supportable. La cause en est simple. Les auteurs, quand ils avaient une idée drôle, se contentaient de la traiter en un acte, et le plus souvent l’acte était bon, l’intérêt se soutenait jusqu’au bout. Maintenant, il faut que la même idée fournisse trois actes, quelquefois cinq. Alors, fatalement, les auteurs allongent les scènes, délayent le sujet, introduisent des épisodes étrangers ; et l’action se trouve ralentie. C’est ce qui explique pourquoi, généralement, le premier acte des opérettes est amusant, le second plus pâle, le dernier tout à fait vide. Quand même, il faut tenir la soirée entière, pour ne partager la recette avec personne. Et le mot ordinaire des coulisses est que la musique fait tout passer.

M. Offenbach est le grand coupable. Sa musique vive, alerte, douée d’un charme véritable, a fait la fortune de l’opérette. Sans lui, elle n’aurait jamais eu un si absolu triomphe. Il faut ajouter qu’il a été singulièrement secondé par MM. Meilhac et Halévy, dont les livrets resteront comme des modèles. Ils ont créé le genre, avec un grossissement forcé du grotesque, mais en gardant un esprit très parisien et une finesse charmante dans les détails. On peut dire