Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/417

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s : l’amour, l’abnégation, le sacrifice. Ajoutez que le traître Morgan est précipité dans la mer au dénoûment, tandis que Jean peut enfin consommer son mariage en brave et honnête garçon. Et le succès a d’autres raisons encore : deux tableaux sont très vivants, très bien mis en scène ; celui de la noce irlandaise, avec ses fleurs et ses couplets alternés, et celui du conseil de guerre, où le public joue un rôle si familier et si bruyant. Enfin, il y a le décor machiné de la fin : Jean s’échappant de son cachot, montant le long de la tour pour rejoindre Nora qui chante sur la plate-forme ; puis la vue de la mer immense, avec la traînée lumineuse de la lune. Voilà, certes, des éléments d’émotion nombreux et puissants. Je suis sans doute trop difficile ; car, tout en m’expliquant la grande réussite d’une œuvre semblable, je persiste à en être triste et à souhaiter pour les spectateurs des petites places, qu’on entend évidemment flatter, des œuvres d’une vérité plus virile et d’une qualité littéraire plus élevée.

Pour moi, je lâche le mot, un pareil drame n’est qu’une parade. Les interprètes sont fatalement des queues-rouges qui grimacent des rires ou des larmes. Cela n’est pas même mauvais, cela n’existe pas. Les jours de réjouissances publiques, on dresse des théâtres militaires sur l’esplanade des Invalides, où des soldats représentent des batailles. Eh bien ! Jean-la-Posle, ou tout autre mélodrame de ce genre, pourrait être ainsi représenté. La pièce gagnerait même à être mimée, car on éviterait ainsi une dépense exagérée de mauvais style. Les acteurs n’auraient qu’à mettre la main sur leur cœur pour confesser leur amour. Je connais des pantomimes qui en disent certainement