Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/79

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elle partait pour un triomphe, pour le demi-million de recettes qu’on vient de publier. Certes, je ne suis guère chauvin de mon naturel ; mais, personnellement, j’ai vu avec plaisir nos comédiens aller faire une expérience intéressante dans un pays où ils étaient certains d’être bien reçus, même s’ils ne plaisaient pas complètement.

Cela me ramène à analyser les raisons qui ont amené le public anglais en foule. Je ne crois pas à une passion littéraire bien forte. Il y a eu plutôt un courant de mode et de curiosité. Nous tenons, à cette heure, en Europe, une situation littéraire de combat. Non seulement on nous pille, mais on nous discute. Notre littérature soulève toutes sortes de points sociaux, philosophiques, scientifiques ; de là, le bruit qu’un de nos livres ou qu’une de nos pièces fait à l’étranger. L’Allemagne et l’Angleterre, par exemple, ne peuvent nous lire sans se fâcher souvent. En un mot, notre littérature sent le fagot. Je suis persuadé qu’une bonne partie du public anglais a été attirée par le désir de se rendre enfin compte d’un théâtre qu’il ne comprend pas. C’était là les gens sérieux. Ajoutez les curieux mondains, ceux qui écoutent une tragédie française comme on écoute un opéra italien, ceux encore qui se piquent d’être au courant de notre littérature, et vous obtiendrez la foule qui a suivi les représentations du Gaiety’s Théâtre.

Et ce qui s’est passé prouve bien la vérité de ce que j’avance. Tous les critiques ont constaté que nos tragédies classiques ont eu le succès le plus vif. C’est que nos tragédies sont des morceaux consacrés ; les Anglais sachant le français les connaissent pour les avoir apprises par cœur. Après les tragédies, ce seraient