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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/89

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œuvres dramatiques de débutants, dans lesquelles on trouverait des promesses plus ou moins nettes de talent. En un mot, les œuvres existent ; ce qui manque, ce sont les théâtres.

Vraiment, de qui se moque-t-on ? Où sont-elles, les œuvres ? Je demande à les voir. C’est justement parce qu’il n’y a pas d’œuvres que les théâtres se ruinent. Je n’ai jamais cru aux chefs d’œuvre inconnus. Toutes sortes de légendes mauvaises circulent sur l’impossibilité où est un débutant d’arriver au public. Ce qu’il faut dire, c’est que toute bonne pièce a été jouée, c’est qu’on ne pourrait citer un drame ou une comédie de mérite qui n’ait eu son heure et son succès. Voilà la vérité, la vérité consolante, qui est bonne pour les forts, si elle gêne les incompris et les impuissants.

Certes, les directeurs se trompent souvent, et ils penchent naturellement davantage vers les succès d’argent que vers les spéculations littéraires pures. Mais quel est le directeur qui repousserait une bonne pièce, s’il la croyait bonne ? Il faudra toujours passer par un jugement, même dans un théâtre ouvert exprès pour les débutants ; et il y aura une coterie, et il y aura des sottises. Sottise pour sottise, celle de l’homme qui défend sa bourse est encore plus soucieuse de la réussite. Aujourd’hui, tous les directeurs en sont à chercher des pièces ; ils sentent leurs fournisseurs habituels vieillir, ils s’inquiètent, ils voudraient du nouveau. Questionnez-les, ils vous diront qu’ils feraient le voyage de toutes les mansardes de Paris, s’ils savaient qu’un garçon de talent se cachât quelque part. Ils ne trouvent rien, rien, rien, telle est la triste vérité.