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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/90

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Or, c’est l’instant que l’on choisit pour réclamer l’ouverture d’un nouveau théâtre. La Porte-Saint-Martin, l’Ambigu, le Théâtre-Historique ne trouvent plus de drames ; vite ouvrons une salle nouvelle, pour élargir la disette des bonnes pièces. Et qu’on ne vienne pas dire que, systématiquement, les directeurs repoussent les tentatives ; ils ont tout essayé, les drames à panaches, les drames historiques, les drames taillés sur le patron de 1830. S’ils ont abandonné la partie, c’est que le public s’est désintéressé de ces formules anciennes, c’est que les prétendus jeunes, les poètes figés qui leur apportent ces pastiches, n’ont absolument aucune originalité dans le ventre. On ne galvanise pas le passé. Au théâtre surtout, il n’est pas permis de retourner en arrière. C’est l’époque, c’est le milieu ambiant, c’est le courant des esprits qui font les pièces vivantes.

Et ce n’est pas tout. Il n’y a pas que les pièces qui manquent, les acteurs eux aussi font défaut. Je ne veux nommer aucun théâtre, mais presque toutes les troupes sont pitoyables, si l’on excepte quelques artistes de talent. Les traditions du drame romantique se perdent ; il faut attendre qu’une génération de comédiens apporte l’esprit nouveau. En attendant, si un grand théâtre s’ouvrait, il aurait toutes les peines du monde à réunir une troupe convenable.

Oui, le drame d’hier est mort ; oui, il n’y a plus de directeur pour le recevoir, plus d’artistes pour le jouer, plus de public pour l’entendre. Mais c’est une idée baroque que de vouloir le ressusciter à coups de billets de banque. L’État donnerait des millions qu’il ne mettrait pas debout ce cadavre. Il n’y a qu’une façon de rendre au drame tout son éclat :