Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/125

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Rostand, qui n’avait pas de réputation à perdre, se remettait peu à peu. Il se rapprocha de Marius, il haussa la poix.

« Qui êtes-vous ? cria-t-il. De quel droit venez-vous chez moi écouter aux portes ? Pourquoi pénétrez-vous jusque dans mon cabinet, si vous n’avez rien à me demander ?

– Qui je suis ? dit le jeune homme d’un ton bas et calme, je suis un honnête garçon et vous êtes un coquin. De quel droit j’ai écouté à cette porte ? Du droit que les braves gens ont de démasquer les misérables. Pourquoi j’ai pénétré jusqu’à vous ? Pour vous dire que vous êtes un scélérat, simplement. »

Rostand tremblait de rage. Il ne s’expliquait pas la présence de ce vengeur, qui lui jetait des vérités à la face. Il allait crier s’élancer sur Marius, lorsque celui-ci le retint d’un geste énergique.

« Taisez-vous ! reprit-il. Je vais m’en aller, j’étouffe ici ;. Mais je n’ai pas voulu me retirer sans me soulager un peu... Ah ! messieurs, vous avez un furieux appétit. Vous vous partagez les larmes et les désespoirs des familles avec gloutonnerie, vous vous gorgez de vols et de friponneries... Je suis bien aise de pouvoir troubler un peu vos digestions et vous donner des frissons d’inquiétude. »

Rostand essaya de l’interrompre. Il continua d’une voix plus vibrante :

« Les voleurs de grand chemin ont au moins pour eux le courage. Ils se battent, ils risquent leur peau. Mais vous, messieurs, vous volez honteusement dans l’ombre. Et dire que vous n’avez pas besoin d’être des coquins pour vivre ! Vous êtes tous riches. Vous commettez des scélératesses, Dieu me pardonne ! pour le plaisir ! »

Quelques-uns des usuriers se levèrent, menaçants.

« Vous n’avez jamais vu la colère d’un honnête homme, n’est-ce pas ? ajouta Marius en raillant. La vérité vous irrite et vous épouvante. Vous êtes habitués à être traités avec les égards que l’on doit aux gens loyaux,