Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/128

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une personne secourable pour que j’aille me jeter à ses pieds. »

Revertégat secouait la tête.

« Eh oui ! répondit-il, il y a ici de braves cœurs, des gens riches qui vous viendraient peut-être en aide. Seulement, vous n’avez aucun titre à leur bonté, vous ne pouvez guère leur demander de l’argent tout d’un coup. Il faut que vous vous adressiez à des prêteurs, à des escompteurs, et comme vous n’offrez aucune garantie solide, vous êtes forcé d’aller frapper à la porte des usuriers... Oh ! je connais de vieux avares, de vieux coquins qui seraient enchantés de vous tenir dans leurs griffes, ou qui vous jetteraient dehors comme des mendiants dangereux. »

Fine écoutait son oncle. Toutes ces questions d’argent se brouillaient dans sa jeune tête. Elle avait une âme si ouverte, si franche, qu’il lui semblait tout naturel, tout facile, de demander et d’obtenir une grosse somme en deux heures. Il y a des millionnaires qui peuvent disposer si aisément de quelques milliers de francs sans se gêner.

Elle insista.

« Allons, cherchez bien, dit-elle encore au geôlier. Ne voyez-vous réellement pas un homme auprès duquel nous puissions tenter une démarche ? »

Revertégat regardait avec émotion son visage anxieux. Il aurait voulu ne pas étaler les vérités brutales de la vie devant cette enfant, pleine des espoirs de la jeunesse.

« Non, vraiment, répondit-il, je ne vois personne....Je vous ai parlé de vieux coquins qui ont gagné honteusement de grandes fortunes. Ceux-là, comme Rostand, prêtent cent francs pour s’en faire rendre cent cinquante au bout de trois mois... »

Il hésita, puis reprit d’une voix plus basse :

« Voulez-vous que je vous conte l’histoire d’un de ces hommes ?... Il se nomme Roumieu ; c’est un ancien officier ministériel. Son industrie consistait à faire une