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Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/139

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– Nous désirons que, s’il est possible, vous évitiez un nouveau scandale... M. Philippe Cayol a été condamné à l’exposition publique, et ce châtiment doit lui être infligé ces jours-ci. Mais l’infamie ne l’atteindra pas seul ; il n’y aura pas qu’un coupable attaché au pilori, il y aura une pauvre enfant souffrante qui vous demande pitié. Vous entendez, n’est-ce pas ? les cris de la foule, les injures qui rejailliront sur Mlle de Cazalis ; elle sera traînée dans la boue par la populace, et son nom circulera autour de l’ignoble poteau, avec des ricanements haineux et de sales expressions... »

Le président paraissait douloureusement touché. Il garda un moment le silence. Puis, comme pris d’une idée soudaine :

– Mais, demanda-t-il, est-ce M. de Cazalis qui vous envoie vers moi ? A-t-il connaissance de la démarche que vous faites ?

– Non, répondit le prêtre avec une dignité franche, M. de Cazalis ne sait pas que nous sommes ici... Les hommes ont des intérêts, des passions qui les emportent et qui les empêchent parfois de juger nettement leur position. Peut-être allons-nous contre le désir de l’oncle de Mlle Blanche, en venant vous solliciter... Mais, au-dessus des passions et des intérêts des hommes, il y a la honte et la justice. Aussi n’ai-je pas craint de compromettre mon caractère sacré, en prenant sur moi de vous demander d’être bon et juste.

– Vous avez raison, monsieur, dit le président. Je comprends les motifs qui vous ont amené, et, vous le voyez, vos paroles m’ont vivement ému. Malheureusement, je ne puis arrêter le châtiment, il n’est pas dans mon pouvoir de modifier un arrêt de la cour d’assises. »

Blanche joignit les mains.

« Monsieur, balbutia-t-elle, je ne sais ce que vous pouvez faire pour moi ; mais, je vous en prie, soyez miséricordieux, dites-vous que c’est moi que vous avez condamnée et tâchez d’alléger mes souffrances. »