Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/153

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immédiat de leurs créances. Quelques-uns d’entre eux parlèrent de saisir le mobilier. Armande comprit donc qu’elle était perdue, si elle ne battait pas monnaie tout de suite, n’importe de quelle façon.

Elle eut recours à un moyen extrême. Elle imita l’écriture de trois ou quatre amants qu’elle avait, et se souscrivit à son ordre des billets qu’elle signa des noms de ces hommes. Puis, n’osant se présenter chez un banquier, elle s’adressa à la dame Mercier, qui consentit à lui escompter plusieurs de ses billets. Il est à croire que l’usurière n’ignorait pas l’origine des effets et qu’elle spéculait même sur cette origine. Tenant la jeune femme dans ses griffes, pouvant à toute heure lancer une plainte au procureur du roi, comptant d’ailleurs sur les souscripteurs supposés qui auraient eu intérêt à éviter un scandale, elle considérait les faux, qu’elle possédait en garantie, comme préférables à de bonnes traites. Elle basait toute une fortune sur ses complaisances, exigeant des intérêts énormes, embrouillant de plus en plus les affaires de la lorette, se mettant complètement à sa charge, jouant un rôle de ruse et d’hypocrisie dont elle se tirait à merveille.

Pendant près de deux ans, Armande vivota, sans inquiétude. Elle avait mis les billets payables chez elle, et, à chaque échéance, elle faisait de l’argent coûte que coûte, tirant cent francs du premier homme qu’elle rencontrait, complétant la somme nécessaire en vendant quelque chose, en empruntant encore, en faisant de nouvelles traites fausses. La Mercier continuait à se montrer humble et serviable ; elle voulait tenir sa proie étroitement serrée, avant de montrer les dents et de mordre.

Puis, vint un moment où Armande ne put décidément pas rembourser les billets faux. Elle se jetait en vain dans le ruisseau.

Elle allait au Château-des-Fleurs, comme une fille ; elle ne parvenait plus à gagner la somme qu’il lui fallait pour entretenir sa maison.

C’est à ce moment-là qu’elle fit la connaissance de