Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/160

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devait changer de tactique. Armande ne la recevait plus qu’avec des frémissements nerveux qui devaient amener une crise. D’ailleurs, elle n’avait plus le sou, et, à deux reprises, elle s’était carrément refusée à lui donner du sucre.

Dès lors, la vieille résolut de ne plus pleurer et d’employer les grands moyens. Il lui restait à jouer le tout pour le tout, à exiger de la lorette un paiement immédiat de l’arriéré, en la menaçant d’adresser une plainte au procureur du roi.

Elle avait eu la prudence de ne jamais témoigner de soupçon au sujet des billets faux qu’elle possédait. Son plan fut bientôt arrêté. Elle décida qu’elle irait chez la jeune femme et qu’elle lui ferait une peur atroce. Si un de ses amants se trouvait là, elle s’adresserait à lui, elle soulèverait un scandale et arriverait à rentrer dans son argent d’une façon quelconque. Elle voulait dévorer sa proie, après lui avoir sucé tout le sang de ses veines.

La veille, était échu un billet de mille francs qu’Armande avait signé du nom de Sauvaire et qu’elle avait donné en renouvellement d’un autre effet à Mme Mercier. Cette dernière, ayant un prétexte pour se fâcher, résolut de ne pas attendre davantage. Elle se présenta chez la jeune femme juste au moment où Marius et le maître portefaix se trouvaient là.

Armande était toute troublée en l’abordant dans l’antichambre. Elle l’entraîna au fond d’un petit boudoir qui n’était séparé du salon que par une mince porte. Elle lui offrit un siège, avec ce regard craintif et suppliant des gens insolvables vis-à-vis de leurs créanciers.

« Ah ! çà, cria l’usurière en refusant le siège, vous moquez-vous de moi, ma bonne dame !... Encore un billet qui me revient sans être payé !... Je suis lasse, à la fin. »

Elle avait croisé les bras, elle parlait d’une voix haute et insolente. Son petit visage gras et rouge luisait de colère. Armande aurait préféré la voir pleurant et se